Je m’entretiens avec Sophie Boux, une amie de longue date et mère de 4 enfants ainsi que son mari. Sophie vit actuellement en République Démocratique du Congo avec ses enfants et son mari. Ils se sont expatriés fin août 2018 et je laisserai Sophie vous expliquer comment elle et son mari en sont venu à décider de ne pas envoyer leurs enfants en secondaire.
J’ai décidé de l’interviewer suite à un échange hyper intéressant que nous avons eu sur l’éducation des enfants. Nous partageons assez souvent à ce sujet, notamment au travers des médias sociaux. Là elle m’a choquée mais ce que j’aime avec nos échanges, c’est la réflexion qui en découle. Je la sais raisonnable, je devais donc en savoir plus.
L’éducation des enfants est la préoccupation de tous les parents
J’ai moi-même des enfants et mon aîné qui a 12 ans entre en secondaire l’année prochaine. Je ne vous cache pas que je suis préoccupée par ce grand changement qui nous attend. Alors lorsque Sophie m’a annoncé qu’elle ne comptait scolariser ses enfants dans l’enseignement classique que jusqu’à la fin de la 6ème primaire, j’ai voulu en savoir plus.
Nous sommes nombreux à nous inquiété de ce changement majeur pour nos enfants. Mais de là à décider de ne pas scolariser ses enfants dans le système classique, il faut le faire !
Merci encore à Sophie et à son mari d’avoir pris le temps de répondre à mes questions.
→ Quel est l’âge de vos enfants ?
9 ans, 6 ans, 3 ans et 10mois.
→ Où sont-ils scolarisé ?
Dans une école belge de la Communauté Française.
→ Ont-ils des hobbies ou des passions ?
Principalement les activités sportives (tennis, équitation, danse, …), puis les écrans (jeux vidéo, application “jeux”,…) comme la plupart des enfants de leur génération.
→ Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à les scolariser pour arrêter au niveau secondaire ?
Ils ont été scolarisé dès les maternelles pour être gardé, étant donné que j’étais encore étudiante et par la suite on travaillait… Nous scolarisons tous nos enfants parce qu’on travaille, parce que tout le monde fait comme ça ou parce qu’on ne s’est jamais intéressé à l’IEF (instruction en famille).
L’école secondaire commence au début de l’adolescence, c’est à ce moment là que l’enfant va commencer à se construire une identité et donc à se chercher “qui il est” « ce qu’il deviendra” et se poser un tas de questions sur la vie, le sexe, l’histoire, les gens,…. Nous ne pensons pas que l’école soit adaptée pour répondre à ces différents besoins, je pense même qu’être 8 heures par jour avec d’autres adolescents, tout aussi perdus que lui, ne soit pas une bonne solution. Nous pensons que les meilleures personnes pour le guider sont ses parents et/ou sa famille (parfois des professionnels). C’est pourquoi nous avons décidé que nos enfants suivraient leur scolarité à distance, à la maison avec l’intention de leur réserver des heures de réflexion, de découverte du monde, de psychologie et de philosophie.
[bctt tweet= »La position d’enseignant comme maître du savoir et surtout de l’autorité est dépassée à l’âge où ces petits adultes cherchent à s’affirmer. – Sophie Boux » username= »afrodeal »]
Nous ne voulons pas qu’ils imprègnent en eux ce besoin d’être dicté, nous préférons dès le plus jeune âge les stimuler à monter des minis-projets professionnels pour leur apprendre que l’être humain a le pouvoir d’inventer son travail et sa participation dans le monde.
Notre réflexion a prit de plus en plus de sens au fur à mesure des années, ce système scolaire complètement dépassé qui oblige les enfants à se lever tôt sans respecter leur rythme de sommeil, ces jours d’absence limité car sinon on est déclaré “élève libre” ce qui signifie que peu importe tes résultats scolaires tu échoues d’office ton année, autrement dit Si notre enfant est très bon élève ou en avance dans une matière, il est obligé de rester en classe et attendre les autres ! C’est un réel manque de liberté et je suis bien placée (en tant qu’enseignante) pour savoir que cela demande beaucoup plus de travail pour l’enseignant de faire de la différenciation en classe. Est-ce que ce dernier aura l’envie, le temps ou l’intelligence même de faire évoluer mon enfant. Sans parler finalement de tous les problèmes que d’autres adolescents (parfois enseignants) peuvent infliger à mon adolescent en mal de vivre (discrimination, harcèlement, victimisation,…).
→ Tous vos enfants ont-ils les capacités pour faire leur scolarisation secondaire à la maison ?
Pour les plus jeunes (3 ans et bientôt 1 an) je ne sais pas mais les 2 aînés ont de très bons résultats scolaires ce qui est en faite un indicateur subjectif car les parents qui pratique l’IEF n’ont jamais pris en compte ce type de facteur. Est-ce qu’un enfant est capable d’apprendre, oui (peu importe l’environnement).
Cette année je me suis rendue compte que mon aînée maîtrise très bien la lecture, cela me rassure car l’enseignement à distance est un système de syllabus que l’élève lit et découvre/apprend par lui-même. Je pense également que c’est un bon entraînement pour notre système universitaire.
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→ Quels sont vos plus grandes peurs pour leur avenir ?
- Qu’ils cherchent une identité ailleurs, que les valeurs que je leur enseigne depuis l’enfance soit balayées par les opinions d’autrui et qu’ils fassent trop d’erreurs inutiles qui mettent leur vie en périls.
- Qu’ils ne soient pas capables de réfléchir par eux-mêmes, qu’ils cherchent un travail au lieu de faire ce qu’ils aiment, qu’ils soient influencés par cette société qui regarde plutôt que par leur coeur qui ressent.
- Qu’ils échouent dans le système scolaire classique, qu’ils soient réorienté dans des options qui ne leur correspondent pas, qu’on leur refuse certaines filières.
→ Que conseilleriez-vous à d’autres parents qui voudraient faire la même chose ?
Je leur conseille de se renseigner sur leurs droits, sur la manière dont ils comptent instruire leur(s) enfant(s) et de s’assurer de leur motivation (aux parents).
De ne pas attendre que leur enfants aient des problèmes disciplinaires, connaissent de mauvaises fréquentations ou aient pris de mauvaises habitudes. Dans ce cas là leur permettre de “sécher” l’école avec le soutien des parents sans que vous ayez une autorité sur leur agissement extérieur est vide de sens.
De réagir rapidement si l’enfant est victime de harcèlement, de dépression ou d’angoisse scolaire. L’école n’est pas la seule option pour votre enfant. N’attendez pas la fin de l’année pour voir si cela ira mieux, changer le d’école ou de système éducatif.
→ En tant qu’enseignante, penses-tu (Sophie) sincèrement que d’autres parents sont en mesure de suivre leurs enfants pour ce type de scolarisation ?
C’est un argument que les gens aime bien mettre en avant, celui de dire que je peux me le permettre car je suis enseignante. Il est exact que dans ma formation d’enseignante, on nous apprend à apprendre mais je ne compte pas instruire mes enfants moi-même. Je fais le choix de l’enseignement à distance donc mon rôle sera plutôt de soutenir mon enfant comme un parent peut le faire avec son enfant quand il rentre de l’école. Par ailleurs, Je ne pense pas qu’un parent qui n’ait pas eu son propre cess soit un parent très efficace pour expliquer l’une ou l’autre chose à son enfant, comme un parent qui ne sait pas aider aux devoirs. J’ai moi-même été une mauvaise élève en science alors je garde en tête l’option de prendre si nécessaire un professeur particulier pour l’une ou l’autre matière que je ne maîtriserais plus.
De plus, ce n’est pas un choix sans retour possible, si je vois que cela est trop difficile pour mon enfant, je peux le remettre dans un enseignement scolaire classique.
→ Comment s’organise l’apprentissage de vos enfants à la maison ?
Comme dans n’importe quelle famille, nous aidons les enfants aux devoirs, parfois on oublie, nous suivons les conseils de leur institutrice, etc…
Nous limitons les écrans aux week-end et nous imposons des activités silencieuse durant les siestes des plus petits (livres, jeux, couture, dessin,…).
Les enfants sont au courant qu’ils n’iront pas à l’école secondaire et l’aîné a compris et accepte cette idée.
Je voulais que cet article soit le plus complet possible, alors j’ai poussé le vice. Non, plus sérieusement, j’ai demandé à notre chère Sophie de nous en dire plus sur le choix de sa destination, au cas où vous vous seriez posé la question. Juste au cas où…
**Pourquoi avez-vous choisi de vivre en RDC ?
Pour aider nos enfants métisses dans la construction de leur identité. Ce n’est pas toujours évident pour certains enfants de comprendre d’où ils viennent quand on vit dans un pays (de blanc) et que notre physique est différent. Notre aînée a compris qu’elle était africaine, comme son papa mais sans savoir ce que cela voulait dire (à quoi ressemble ce pays ou ses pairs), notre second lui, mettait les noirs dans une case et les blancs dans une autre car aucun lui ressemblait et il ne savait pas ce qu’il était (du coup il s’identifiait plus aux arabes ou latinos en se rendant déjà compte qu’ils n’avaient pas la même culture).
Également par envie personnelle, monsieur étant angolais/congolais, il voulait retourner dans son pays et y développer des infrastructures pour les congolais qui aide la population (agriculture locale, développement social,…) et madame car son milieu sociale est principalement issu de la diaspora congolaise , elle aime cette culture et attendait impatiemment le jour où elle pourrait découvrir le pays et ses habitants.
Si vous aussi vous avez des pistes de réflexion, n’hésitez pas à commenter cet article, je suis certaine que Sophie se fera un plaisir de vous répondre.
À très bientôt dans un prochain article!